Ouverture : … Quelle est cette pruderie qui, au siècle où l’on se croit libéré, veut que la femme ne touche pas aux termes du sexe sans s’y salir les doigts ? Les hommes confondraient-ils les mots avec la chose ? Et cette chose, ne la saisissent-ils qu’avec des pincettes, des gants, le nez bouché, les yeux bandés, les dents serrées ? Il me semble qu’ils la prennent joyeusement à pleines mains, comme également je le veux faire avec les mots. Écrire est un voyage aussi fécond que lire à condition de réveiller la langue, de la branler, l’ensemencer. Que nos yeux se dessillent et voient enfin le monde rajeuni. Qu’importe que la plume soit mâle ou femelle. Louise Labé revendiquait déjà cette liberté, il y a cinq siècles :
« Baise m’encor, rebaise-moi et baise », écrivait-elle. Les sciences évoluent mais notre cœur reste intact. Il y aura toujours ceux qui veulent enchanter le monde et les autres.
Et moi, née pour être très sage, laissez-moi faire l’amour un peu coquin avec grammaire et dictionnaire.
Paradis perdu : Il fut un temps où l’on pouvait s’acagnarder dans des jardins astrés et chamboler dans les allées. Dans chaque bosquet, chaque fourré, on gambillait, se brandillait. De beaux hurlupés fanfreluchaient, galantisaient, capriçaient et coquetaient de belles déchevelées dont ils s’encoiffaient à la première joyeuseté partagée. Et chacun, tout émerillonné, de délicater, gourmander sa chacune à la venvole, dans une simplesse nonpareille, sans mômerie aucune. Et tous de contre-aimer, de conjouir sans décharmer comme ils avaient fantastiqué… .
Culer : Le verbe culer vient du substantif bien connu : cul. Ce dernier, ayant fait symptôme, puisqu’il définit aujourd’hui une partie de notre corps, avait, autrefois, un sens fort différent. Cul trouvait son origine dans la racine latine luc, de lux, lucis, la lumière. Des gamins, pratiquant le verlan, se mirent à parler de cul à tout va, tant et si bien que culer finit par signifier : faire le cul, autrement dit : faire le noir. Comme on faisait la lumière, on avait trouvé bon de faire le noir…
La vulve : Au début, ce n’est qu’une fissure, une fente, que dis-je une fossette, un trait qui se tait. Vient l’heure où Vénus veille sur son monde. Ulve marine, vulve divine. Une main suffit à la couvrir, un doigt à l’ouvrir. Une verge, et la voici comblée. Sourire vertical aux lèvres multipliées pour des baisers salés…
Mon petit bout d’amour : C’est un petit bout de trois fois rien qui pend comme on tire la langue quoique moins insolent au premier temps, qui se rengorge comme on gonfle ses plumes quoique moins réservé au second temps, puis qui se tend , se distend tant et si bien qu’il double, triple de volume et, passées toutes les directions, s’érige résolument vers le ciel après avoir pendu si mollement vers le sol, comme on se met à prier, mais plus agressif ou comme on met en joue mais plus aimant, au troisième temps quand tout se passe en trois temps, trois temps qui se déclinent infiniment…
Une voix : … Tout excitée, je suis partie à la recherche de notes toujours plus fines, toujours plus rares. Allant profond, une voix, en moi, se creusait, qui m’emmenait là où il ne faut aller, là où c’est interdit. Et cette voix riait, riait d’ainsi m’ensorceler. Ses mots aux chaussons rouges m’emportaient là où pas un vent ne souffle et j’étais suffoquée. Elle me les tendait comme des bonbons, autant de billets doux toujours plus fous. Elle s’éclatait jusqu’à la lettre. Un o pour m’ouvrir. Un i pour jouir. Me croirez-vous ? Un trait d’union me suffisait pour tomber en luxure…